Issu d’une famille émigrée d’Europe de l’Est, Tomás, star du rock à dix-sept ans, débarque à Paris, l’autre capitale du tango, avec… Astor Piazzolla. Depuis, il partage son talent entre compositions «classiques» et tango «contemporain». Escorté d’un sextet flamboyant, « dedos magicos » (doigts magiques), dixit la presse argentine, guitare, recrée trente années de compositions tango et offre ses nouvelles créations. Des voix, celles de Borges, Cortázar ou Portal, qui ont balisé son chemin, sont également conviées…
Projection de la captation de "11 septembre 2001" Texte Michel Vinaver Mise en scène Arnaud Meunier
Film réalisé par Guy Girard
Captation tournée à La Comédie de Saint-Etienne les 4 et 5 septembre 2011.
Projection organisée par l'association Citoyenneté jeunesse en présence d'Arnaud Meunier, de Guy Girard, de Jean-Michel Gourden, de Jean-Marc Giri, de Jean-Charles Morisseau, des enseignants et des lycéens qui ont participé au projet "D'un 11 septembre à l'autre".
Espace 1789 2/4 rue Alexandre Bachelet 93400 Saint-Ouen
Arnaud Meunier : "L’islamophobie a été théorisée à partir du 11 septembre 2001"
08/09/2011
A l’occasion du dixième anniversaire du 11 septembre, trois représentations exceptionnelles de la pièce de Michel Vinaver, 11 septembre 2001, auront lieu au Théâtre de la Ville. Ce projet ambitieux qui réunit une quarantaine d’adolescents de Seine-Saint-Denis, représentants par leurs origines diverses de la jeunesse mondialisée, a pour vocation de questionner le spectateur sur ses propres préjugés et d’ouvrir une réflexion sur l’avenir. Rencontre avec le metteur en scène Arnaud Meunier…
Pourquoi avoir choisi de mettre en scène cette pièce?
Arnaud Meunier : Au moment où la planète entière va être dans un geste de commémoration du dixième anniversaire du 11 septembre, ce qui m'intéressait c'était de se poser la question de ce que le théâtre pouvait faire que la télévision ou le cinéma ne peuvent pas faire. La pièce de Michel Vinaver, 11 septembre 2001, a été écrite dans les jours et les semaines qui ont suivi les événements et avait pour objet de les fixer à l'état brut, sans fiction, c'est à dire en entremêlant des témoignages issus de journaux américains - comprenant les discours officiels deBush, de Ben Laden, le testament de Mohamed Atta, tout un tas de matériaux qui se sont entremêlés pour créer une forme de partition, une pièce chorale écrite à la manière d'une passion de J.S Bach.
Les derniers mots de la pièce sont : "Et maintenant, et maintenant, et maintenant"... Ce qui m'intéressait c'était de me dire que le théâtre pouvait interroger le futur plutôt que le passé, d'être dans un mouvement prospectif au moment où tout le monde sera dans un mouvement rétrospectif. D'où l'idée de le faire interpréter non pas par des comédiens professionnels classiques mais par des lycéens et pas n'importe quel type de lycéens mais des lycéens qui n'avaient pas de pratique théâtrale et artistique quand on les a rencontrés. Ces lycéens viennent tous d'un même département, la Seine Saint Denis, dont on parle en général à travers les médias pour de mauvaises raisons. A partir du moment où le projet est né, on s'est mis en route pour arriver à rendre l'aventure possible.
Selon vous, cette pièce a-t-elle un intérêt actuel?
Arnaud Meunier : Ce qui m'a motivé, c'est le fait de me dire que cette pièce et ses protagonistes, (Donald Rumsfeld, Bush, Ben Laden mais aussi l'hôtesse de l'air morte dans le premier avion, etc...) seraient interprétés par des jeunes gens dont une partie est de confession musulmane. Ce n'est pas le moindre des symboles que d'avoir au Théâtre de la Ville, l'un des plus gros théâtres de France, cette jeunesse là qui interprète cet événement le week-end du 10 ème anniversaire du 11 septembre.
Ce qui m'intéressait principalement, c'était le reflet et l'écho que donne cet événement aujourd'hui, parce que je pense que l'islamophobie n'est pas née malheureusement avec le 11 septembre 2001 mais elle a été en grande partie théorisée et doctrinisée à partir du 11 septembre 2001. On a vu sortir un certains nombres d'ouvrages qui ont dit que l'islam n'était pas compatible avec la démocratie, ou qu'il y avait une cohérence de civilisation qui n'était pas compatible avec l'Occident. Pourtant, parmi les victimes du 11 septembre 2001, il y a des musulmans, parmi les héros qui ont aidé, il y a des musulmans, etc...
C'est à partir de cet événement qu'on parle de choc des civilisations, c'est à partir de cet événement que l'administration Bush utilise l'axe du Bien contre l'axe du Mal, qu'on manipule les opinions publiques avec la peur et la méfiance de l'autre, ... En tant que citoyen, je vis avec de plus en plus de difficultés le fait de détricoter constamment tout ce qui peut faire une société, tout ce qui contribue à un vivre ensemble. J'entendais avec plaisir tout à l'heure Pierre Rosenvallon (historien de la démocratie) parler de l'urgence de reconstruire ce qui fait qu'une société puisse vivre ensemble. Au fond, c'est ça qui a fondé mon désir artistique : faire un spectacle qui pouvait interroger le spectateur sur son propre préjugé. Après le 11 septembre 2001 et après les émeutes de 2005, une équation s'est mise en place : jeunes de banlieue = majoritairement musulmans = délinquants ou islamistes. Donc ce spectacle est pour moi une opportunité formidable d'interroger ce raccourci violent qui blesse profondément et les gens et notre société.
Quel regard ces jeunes portent-ils sur le 11 septembre? Ont-ils des souvenirs? Leur regard a-t-il évolué tout au long de la mise en scène?
Arnaud Meunier : Ils ont très peu de souvenirs de l'événement en tant que tel, puisqu'ils avaient 6-7 ans au moment de l'événement. Ils ont surtout le souvenir que ça a marqué leurs parents et ils ont conscience que cet événement a modifié leur vie. Le travail qui a été fait a été un triple travail. D'abord un travail artistique avec ma compagnie et les cinq comédiens qui ont mené le travail tout au long de l'année de manière patiente et méthodique. Un travail pédagogique fait par une association qui s'appelle Citoyenneté Jeunesse qui les a emmenés au théâtre, à des spectacles de danse, dans des musées, et qui intervenait sur un certain nombre de concepts : qu'est ce que c'est qu'un arabe ? un musulman ? tous les musulmans sont-ils arabes ? tous les arabes sont-ils musulmans ? ... Enfin, les enseignants ont fait un travail énorme pour réinvestir toute l'année tout ce qu'on faisait.
Leur opinion a évolué mais l'objectif n'était pas de civiliser les barbares, ils n'étaient pas des jeunes barbares incultes avant de nous rencontrer et ils ne sont pas devenus des êtres suprêmes civilisés depuis qu'ils font le spectacle. Je pense qu' ils sont devenus des êtres de plus en plus libres avec une conscience qui s'est aiguisée. On a cherché à leur donner une boîte à outils pour se forger leur propre opinion et pour pouvoir nommer et conceptualiser un certain nombre de choses. Mais après ils sont restés libres de leur propre opinion. Aujourd'hui, il y a une volonté de leur part d'avoir un esprit critique sur ce qui est dit.
Comment vous êtes vous organisés pour mettre en scène une pièce avec des comédiens non professionnels?
Arnaud Meunier : C'est du temps et de la patience, plus d'un an de travail. C'est de l'investissement au quotidien et de manière hebdomadaire très forte et puis il fallait suivre un chemin initiatique, le chemin de l'apprentissage, à la fois de la découverte d'une pratique artistique qu'ils ne connaissaient pas et de la découverte de soi-même. Il fallait oser avoir accès à son corps, à ses émotions, se faire confiance en somme. On a mis en avant le principe de bienveillance de sorte à ce que chacun ose prendre des risques, n'aie pas peur de s'exposer aux autres.
Ce principe de bienveillance très actif au sein du groupe a abouti à la fondation de ce que j'appelle une "compagnie éphémère". Aujourd'hui cette compagnie éphémère est nourrie par une énergie très particulière qui provient de cette bienveillance initiale qu'est la fraternité et cette fraternité très puissante existe dans le groupe. C'est une famille très soudée qui s'est fondée et qui emmène une énergie très particulière sur scène qui touche le spectateur.
Le spectateur sait que ce ne sont pas des comédiens professionnels donc il y a une forme de fragilité qui se dégage mais c'est ce qui fait aussi leur force car il y a une vibration très particulière sur le plateau qu'on trouve dans peu de spectacles, parce qu'on n'est pas habitués à voir ce type de jeunes gens sur scène. Je pense que c'est ça qui rend le spectacle et cette création singulière. C'est avec ce type de symbole que je voulais parler du 11 septembre.
Pourquoi avoir choisi de vous entourer des chorégraphes Rachid Oumaradame et Jean Baptiste André?
Arnaud Meunier : Dans nos sociétés occidentales, le corps est quelque chose qui est très nié, on n'y fait pas attention, on le malmène, on l'ignore, on l'oublie et, quand on a 17 ans, les corps portent les stigmates les plus forts de nos sociétés. La présence du chorégraphe était une façon d'assumer son corps, d'en prendre conscience de pouvoir être fort par rapport à ça.
Et aussi le fait d'oser la partie chorégraphiée, puisqu'un choeur a été conservé dans la pièce en américain qui dit des extraits d'articles de journaux ou de publicités. Un clin d'oeil à Broadway, en quelque sorte, qui fait partie de New York et des Etats Unis. D'ailleurs, si on proposait à tous ces jeunes gens d'emmener le spectacle à New York, ils seraient les premiers à sauter de joie. Bien sûr, ils ont grandi en banlieue mais New York continue d'être une ville de rêve, une ville d'accueil, une ville qui reste un objet d'admiration et de fantasme et c'est aussi ça que le spectacle raconte.
Le fait que la pièce soit basée sur des faits objectifs et intègre très peu d'éléments fictionnels empêche-t-elle un parti pris de la part du metteur en scène?
Arnaud Meunier : Le fait de choisir des lycéens pour jouer la pièce est un parti pris indéniable, même un pari plus qu'audacieux. Roland Barthes disait de l'écriture de Vinaver quelque chose qui est très juste, c'est que Vinaver présente dans ses pièces l'image d'un monde sans procès. Donc, dans ses pièces, Vinaver ne juge ni les êtres ni les événements, il laisse la place au spectateur pour se faire sa propre opinion. C'est quelque chose qui désarçonne parfois les spectateurs parce qu'on est habitué à une sorte de théâtre didactique, où les bons sont nommés et les méchants aussi. Personnellement, je pense qu'on est dans un monde de plus en plus complexe et que c'est cette complexité du monde qu'il faut embrasser.
C'est vraisemblablement de cette complexité du monde dont nous avons voulu parler aux lycéens à travers tout le projet. Face à cette complexité du monde, le rôle du théâtre est d'ébranler les certitudes. Plutôt que d'asséner des thèses toutes faites, prémâchées et rassurantes, la meilleure chose que l'on puisse faire est d'ébranler les certitudes et d'amener les spectateurs à leur propre réflexion. Michel Vinaver est dans une démarche socratique qui me passionne car en tant que spectateur et metteur en scène je préfère les spectacles qui posent des questions plutôt que des spectacles qui tentent de m'imposer des réponses.
Comédie dramatique de Michel Vinaver, mise en scène de Arnaud Meunier, avec Philippe Durand, Elsa Imbert, Nathalie Matter, Stéphane Piveteau, Thierry Vu Huu et des lycéens issus de trois établissements de Seine-Saint-Denis. Une longue passerelle éclairée de rouge traverse le fond de la scène de part en part, formant un angle de chaque côté. Les uns après les autres surgissent les jeunes comédiens amateurs (ils sont 44 au total, tous élèves de trois lycées de Seine-Saint-Denis) entourés des comédiens professionnels de la Compagnie de la Mauvaise Graine. Alors la chronologie des événements de ce jour inoubliable qu'est le "11 septembre 2001" s’étale, heure par heure ; les jeunes comédiens jouant tous les rôles et les adultes, les journalistes commentant les événements. On a l’impression de revivre cela en direct. Ca fait dix ans déjà mais en entendant à nouveau l’avancée de la situation au fil de la journée, on a l’impression que c’était hier. Les lycéens sont sérieux ; chacun joue sa partition avec application. Les discours et les annonces se succèdent, ponctués d’intermèdes musicaux à grand renforts de chanteuses de music-hall ou de pom-pom girls parce que ça aussi, c’est l’Amérique : "the show must go on". Dans un bel élan chorégraphique, habilement mené par Jean-Baptiste André et Rachid Ouramdane, les corps tombent au sol comme autant de morts à la minute. La mise en scène d’Arnaud Meunier allant à l’essentiel s’efface derrière les mots de Michel Vinaver. Enfin, ce ne sont pas exactement les siens : au lendemain de cette tragédie, le dramaturge a collecté les écrits officiels, les témoignages et s’est livré à un vrai travail d’archiviste pour rendre compte de ce jour où le monde a basculé. Le texte, même s’il ne prend aucun parti, met tout de même en évidence le parallèle entre les discours très semblables de Bush et de Ben Laden. Un spectacle aussi magistral que nécessaire donc, qui brosse un portrait de l’Amérique ébranlée où plus rien ne sera jamais comme avant en ce début de 21ème siècle. Saluons ce travail qui permet à des jeunes de vivre une aventure théâtrale hors du commun et d’être, une fois n’est pas coutume, sur le devant de la scène pour de bonnes raisons. Si cela pouvait se répandre un peu, le monde progresserait sûrement plus vite…